L'INDICATEUR N°21

PARTITIONS D'OISEAUX (3)
Le Tichodrome Échelette, et le Sirli du désert





Invité : CHIFF CHAFF
Le chant du TICHODROME ÉCHELETTE
Tichodrome muraria
Voici donc un troisième numéro consacré aux oiseaux dont les chants se prêtent à une transcription sur partition. Rappelons-le, cela ne fait pas de ces oiseaux les meilleurs musiciens, mais nous permet simplement d’établir une relation étroite et facile entre certaines productions sonores de la nature et nos propres activités musicales. À nous de chercher si, oui ou non, nous avons trouvé dans ces chants des modèles que nous nous serions appropriés par la suite pour fonder, sciemment ou inconsciemment, nos propres systèmes musicaux.
Ce dessin est tiré de l'une des éditions de l'Histoire Naturelle de Buffon en dix volumes.
Le Tichodrome échelette, dont nous allons étudier un peu le chant par le biais d’une partition, a été enregistré en Mongolie dans les montagnes du Khangaï.

L’INDICATEUR (n°11) a déjà été consacré à cet oiseau, et il est facile de le retrouver en cliquant sur le bouton ci-dessous :
ANALYSER LE CHANT
Voici donc, sur partition, un fragment de la prise de son originale (très exactement à partir de 1’50” jusqu’à 2’30”).
Notons que cette séquence chantée est assez courte et qu’elle a été enregistrée dans son intégralité, jusqu’au petit cri d’alarme qui va clore le discours. Au centre de la prise de son, l’oiseau répète 4 fois la phrase principale, avec une grande rigueur, et c’est précisément cette phrase qui constitue ce que nous pourrions nommer thème principal.
Le Tichodrome chante sur une échelle pentatonique, c’est à dire une gamme ne comprenant que 5 notes, bâtie ici à partir du do : do, ré, mi, sol, la. (Si l’on compare cette gamme au modèle occidental que nous pratiquons tous, nous constatons qu’il manque le fa (sous dominante) et le si (note sensible). Enfin, sachons qu’il est possible de bâtir une gamme pentatonique en partant de n’importe quelle note.

Pourtant, ici, la note si semble très présente, alors que, nous venons de dire, elle devrait manquer… mais il s’agit en fait d’un do dont la hauteur est très mobile, le do attaqué bas ! Le si est comme attiré par le do, il glisse vers le do : c’est une véritable note “sensible” qui ne fait pas partie de la gamme. Dans ce chant, le do est en fait toujours attaqué par le dessous. En termes musicaux, nous pourrions appeler cette note “appogiature”. Une appoggiature est un ornement servant à retarder la note suivante, la note principale, sur laquelle on veut insister. Et dans cette partition les petits traits noirs indiquent précisément les glissandi entre deux notes. Et l’on constate que les glissandi sont très nombreux, ce qui est classique dans un chant d’oiseau.
Pour le reste, notre oiseau respecte bien sa gamme et ne changera pas de ton pendant toute la séquence.

Arrivés là posons-nous une question : tous les Tichodromes chantent-ils la même mélodie ? Pas vraiment, toutes se ressemblent, toutes semblent fondées sur la même gamme, mais chaque individu signe sa partition d’une manière très personnelle, alors que le timbre est quasiment le même d’un individu à l’autre. Il est facile de comparer le chant de nombreux tichodromes sur la page Xenocanto qui lui est consacrée :
Revenons un instant au chant de l’Ibijau gris que nous avons étudié dans l’INDICATEUR n°19, nous constatons et vérifions que la gamme sur laquelle chante l’oiseau est, elle aussi, une gamme pentatonique mais cette fois-ci bâtie à partir de la note .
Il est intéressant de constater de nombreux de chants d’oiseaux transcriptibles sur une partition semblent se rapprocher de ce modèle d’échelle musicale, même si cela ne se fait pas d’une manière très stricte.
Cette gamme pentatonique est très ancienne et se retrouve dans quasiment toutes les cultures, sur tous les continents, ainsi que dans un très grand nombre de musiques traditionnelles ou musiques dites “premières”, ce qui revient à dire qu’elle est sans doute un modèle de gamme primitive ou “première”. Notons au passage que la musique de Mongolie est entièrement fondée sur ce modèle de gamme.

Le fragment du chant du Tichodrome que nous venons d’analyser se retrouve dans la partition définitive de la première pièce du Chant de la Terre du Ciel Bleu écrit pour le Yatag, à partir de la mesure 55.

Composer une pièce musicale à partir de ce chant s’imposait à moi, et bien entendu pour un instrument mongol pentatonique, permettant le jeu en glissando : le Yatga, cette harpe mongole à treize cordes, d’une richesse infinie, qui nous vient de la nuit des temps.

(voir la description de l’instrument dans l’INDICATEUR N°11)
LE CHANT DE LA TERRE DU CIEL BLEU

Près du ruisseau, dans la montagne de Khangai,
le Tichodrome escalade une roche,
ses ailes colorées largement déployées
Le TICHODROME ECHELETTE , première pièce du Chant de le Terre du Ciel Bleu est composé pour le petit yatga de 13 cordes accordé en do.
La pièce proprement dite est précédée de l’écoute de l’oiseau. Pendant cette écoute un long ruban de soie placé entre les cordes est tiré très lentement, effleure les cordes de l’instrument, et produit un halo sonore discret légèrement amplifié.
Toute la pièce repose sur la transcription instrumentale de l’enregistrement entendu en première partie.
Au cours de l’exécution, quelques sons sont obtenus par percussion sur l’instrument avec le pouce ou les ongles. La présence du ruisseau s’explique tout simplement par le fait que le prise de son originale de l’oiseau était réalisée à proximité d’un ruisseau de montagne qui se présentait comme le décors sonore et naturel de la scène.
Le Yatga est ici joué par Chinbat Baasankhuu, une grande spécialiste de cet instrument qu'elle enseigne à l'Université Nationale de Mongolie ainsi qu'en Corée du Sud.
Autres chants d’oiseaux


Avant de refermer ce chapitre sur les partitions d’oiseaux, arrêtons quelques instants sur un autre chant, lui aussi très mélodique, mais dont la logique n’est pas du tout la même. Ceci afin de bien comprendre que la diversité se trouve partout… y compris dans la manière d’organiser les chants. Le chant du Sirli du désert (Alaemon alaudipes) est bien connu de tous les amateurs de chants d’oiseaux.

Je laisse Jean Roché, auteur de cet enregistrement, nous présenter ce chant tel qu’il le présente dans son CD Les Grands Virtuoses 2 :

« Surprise pour qui voyage au Sahara : une sorte de mélopée triste et aiguë, sur le mode oriental, avec des quarts de ton, qui vient de l’horizon, on ne sait d’où au juste. On fait 100 mètres vers le chanteur, et il semble toujours aussi lointain. Chant de nulle part… lorsque l’on est proche de l’oiseau, on assiste à un étrange ballet sur deux phrases musicales : première phrase, lente et triste, sur 4 tons, émise du haut d’un petit caillou ou promontoire ; seconde phrase attaquée par une série de notes douces suivies d’un violent en saut de quinte mineure, l’oiseau s’envole et retombe en parachute en terminant son chant. Et ainsi de suite, le manège peut durer des heures… Entre deux phrases le Sirli marche nonchalamment sur le sable, picorant au sol quelque nourriture. Ce beau chanteur fait partie de la famille des alouettes, bien que son vol rare et onduleux se fasse au raz du sol. Il est strictement lié au désert, et plus volontiers au désert de sable. »
Pour en savoir plus, cliquez sur les pochettes des CD
Et pour terminer ce chapitre, je vous invite à continuer ces explorations sonores avec ce tout dernier disque de Jean Roché consacré aux plus beaux chants d’oiseaux d’Europe, accompagné d’un entretien au sujet d’Olivier Messiaen que j’ai eu le privilège d’enregistrer il y a quelques années.

Chaque numéro de L'INDICATEUR accorde en pied de page un espace à la présentation du travail d'un audio-naturaliste, d'un artiste ou encore d'une personnes jouant un rôle remarquable dans cette discipline:

Aujourd'hui : La maison d'édition

CHIFf CHAFF

C’est avec grand plaisir que je profite de cet espace mis à ma disposition par Bernard Fort pour présenter Chiff-Chaff, petite société d’édition et de production indépendante consacrée aux sons de la nature. Elle a quinze ans maintenant...
De l’intérêt de la vie associative.
Avec une licence de biologie puis un diplôme de professeur des écoles de la ville de Paris en poche, tout était écrit pour une carrière dans l’Education nationale. Mais deux rencontres ont changé le cours des choses. D’abord celle avec Jocelyne Jaunas - responsable de la Ligue pour la protection des oiseaux à Paris dans les années 90. A ses côtés, j’ai passé les 20 mois règlementaires pour les objecteurs de conscience.
Elle m’a beaucoup apporté, en me faisant découvrir sur le terrain oiseaux et autres animaux, en me permettant de passer quelques semaines dans des centres de soins pour faune sauvage, des réserves naturelles ou sur des cols d’observation des migrations. C’est ainsi, en découvrant le monde des naturalistes et des bénévoles, qu’on prend vraiment conscience de l’importance de s’engager en faveur de la protection des espèces et de leurs milieux naturels.
Plongée au cœur des sons de la nature.
Ensuite, il y a eu une période de plusieurs années passées au sein de la société Nashvert Production où j’ai eu la chance de côtoyer son fondateur, l’audio-naturaliste bien connu Fernand Deroussen.

C’est là, en m’occupant de la commercialisation des CD et cassettes (passées aux oubliettes dans les années 2000 !) qu’il produisait à partir de ses nombreuses moissons sonores effectuées partout dans le monde, que j’ai contracté le virus de l’écoute et la passion des sons de la nature !
Éclosion des éditions Chiff-Chaff.
En juillet 2008, je quitte Nashvert Production et crée Chiff-Chaff. Là encore, grâce à la confiance de Fernand Deroussen.
En effet, à cette date, pour se dégager du temps et se consacrer à cent pour cent à l’enregistrement de terrain, il décide d’extérioriser l’activité de distribution CD de Nashvert Production en la transférant à Chiff-Chaff.
Nom d’un pouillot !
Comme ma société allait se consacrer aux sons de la nature, il me semblait bien de trouver un nom en rapport avec l’activité. L’onomatopée d’un chant d’oiseau, genre « Hou-Hou Production », pouvait faire l’affaire
Finalement, c’est celle du chant pouillot véloce qui m’a plu, ce « compteur d’écus » que les anglais appellent le Common Chiffchaff… Un nom qui ne parle certes pas à tout le monde et qui n’est pas forcément facile à écrire, mais un mot si plaisant à prononcer !

De plus, il rend hommage à ce petit passereau très discret bien plus facile à identifier à l’oreille qu’avec les yeux, et dont la voix – je trouve – donne comme des envies de promenades printanières aux abords des bois…
Les deux principaux objectifs de Chiff-Chaff.

Objectif n°1 : Suivre le précepte « il faut connaître la nature pour mieux la protéger » et le garder à l’esprit dans tous les projets pour lesquels Chiff-Chaff est sollicité, que ce soit des collaborations éditoriales (Larousse, Rustica, Gallimard, LPO…) ou des ventes de sons (expositions sonores permanentes ou temporaires, sonorisation de podcasts…).
Objectif n°2 : Concevoir des productions utiles aux gens. Car s’adresser au plus grand nombre est important.

Les publics intéressés par l’écoute sont notamment les personnes à la recherche d’ouvrages de vulgarisation, les animateurs nature et les professeurs des écoles qui cherchent à éveiller la curiosité auditive des enfants, les naturalistes de terrain en quête d’ouvrages thématiques pointus pour vérifier leurs connaissances et mener à bien leurs inventaires faunistiques.
L’écoute en tous sens !

Il n’aura échappé à personne qu’internet a bien changé la donne en matière de commerce et modifié en profondeur la façon d’écouter les sons : la vente à distance s’est développée et le streaming s’est popularisé.
Pas évident de s’adapter quand on est une toute petite structure… Mais on y travaille ! C’est pourquoi, en ce moment, Chiff-Chaff se concentre sur trois choses : sur son site internet, sur la diffusion en streaming, et sur l’activité de vente de sons à partir de sa sonothèque naturaliste.
Site internet.

L’idée de faire évoluer le site pour qu’il devienne un endroit où sera proposé un vaste panel d'articles liés à l’écoute de la nature.
Par exemple, y sont présentés des CD d'auteurs et éditeurs indépendants tels que ceux de Bernard Fort ou de l'association Sonatura) ; des appeaux artisanaux pédagogiques ; des peluches sonores pour l'éveil des tout-petits ; un kit complet pour les preneurs de son nature qui souhaitent se lancer ; une borne d’écoute nature « clé en main » réalisées avec un partenaire spécialisé dans le mobilier urbain en bois.
Sonothèque et vente de sons.

Chiff-Chaff travaille à partir d’une sonothèque formidable puisqu’elle est basée sur des milliers de sons nature du monde, tous identifiés : oiseaux, mammifères, insectes, amphibiens et même poissons, reptiles… sans oublier les ambiances naturelles et sons d’activités humaines liés à la nature et aux animaux.
Parmi les divers auteurs de toutes nationalités alimentant la sonothèque Chiff-Chaff, deux très importants audio-naturalistes français : Fernand Deroussen qui, dès le démarrage de Chiff-Chaff, a mis à sa disposition ses enregistrements, et Jean Roché (ou Jean-Claude Roché) qui, depuis 2023, a choisi Chiff-Chaff pour gérer l’ensemble de ses collections sonores.
La sonothèque Chiff-Chaff répond donc parfaitement aux demandes des éditeurs de livres (pour leurs livres-CD/QRcodes), des muséums (pour leurs expositions accueillant du public), des associations, des parcs ou des mairies (pour leurs bornes d’écoute, leurs jeux pédagogiques, leurs podcasts…), etc.

Je me souviens de ce que m’avait dit, il y a quelques années, le directeur du département musique d’une grande major :
« les sons nature sont un marché de niche pas assez rentable »…
Une « niche » peut-être, mais une « niche » qui nous passionne ! Et puis aujourd’hui, les médias radio et télé ne donnent-ils pas plus fréquemment que par le passé la parole à des audio-naturalistes ? Et les gens n’ont-ils pas redécouvert, lors du grand confinement de 2020, qu’il y avait plein de chants d’oiseaux autour d’eux ? Et le field recording n’est-il pas en plein essort ? Les temps changent, les gens se rendent compte qu’il n’y a pas que les images dans la vie, que la vie c’est aussi les sons, qu’il y a là une diversité immense, que c’est une façon extraordinaire pour découvrir, connaître et mieux apprécier la nature. Et tout cela, semble-t-il, est de bon augure pour la suite...

Pour toute question ou collaboration, n’hésitez pas à contacter Chiff-Chaff

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