La symbolique des Oiseaux.

Cet article développe encore la question de la représentation des oiseaux dans les peintures du Musée des Beaux-Arts de Lyon, pour la mise en place d’un parcours thématique par le biais des audioguides. Une fois encore, je tiens à remercier le Musée pour son accueil et la mise à disposition de toutes une précieuse documentation qui m’est très utile pour la rédaction de ces articles.

De la même manière qu’il existe un langage des fleurs, dans l’art de les offrir, de les présenter ou de les représenter, il existe un langage des oiseaux, dont l’essentiel repose sur la symbolique. Cette symbolique se manifeste principalement dans la peinture religieuse médiévale ou renaissante, et certaines fois dans des œuvres plus récentes. Cependant, tout langage reposant sur un vocabulaire partagé, ce n’est qu’avec une certaine culture de cette symbolique que le tableau et son message “s’éclairent”. Les oiseaux, bien plus que des sujets esthétiques ou décoratifs, apparaissent alors comme des personnages “porteurs de messages”, tout aussi discrets qu’importants.

Enfin, l’ensemble de ces symboliques, portées principalement par les oiseaux mais aussi d’autres espèces animales, repose bien souvent sur des croyances ou des traditions antérieures aux périodes chrétiennes, elle mêmes s’appuyant souvent sur des spécificités éthologiques, des observations, des légendes…

Les oiseaux représentent alors une forme de permanence et parcourent l’histoire de l’art, ou plus exactement ”les histoires de l’art”.

LE POÈME DE L’ÂME
Huiles sur toiles réalisées entre 1835 et 1855

Louis Janmot

Lyon 1814 – 1892

Cette œuvre, sorte d’épopée mystique, a occupé́ Janmot la majeure partie de sa vie. Les dix-huit peintures présentées à Lyon en constituent la première partie, complétée par un second cycle de seize grands dessins et un vaste texte poétique. L’âme descendue sur terre sous l’apparence d’un, puis de deux enfants, garçon et fille, parcourt les étapes qui la conduisent de l’enfance à l’âge adulte, à travers une succession d’épreuves et de bonheur spirituel.
Profondément empreint de piété́ catholique, cet ensemble s’inscrit, par sa portée philosophique et didactique, dans le courant de renouveau religieux particulièrement actif à Lyon au milieu du 19e siècle.

Le cycle du Poème de l’âme se rattache à la fois à l’héritage d’Ingres, par la perfection du dessin et la recherche de la beauté́ parfaite des formes, en même temps qu’au romantisme, par sa thématique. Son spiritualisme et son programme iconographique complexe et ambitieux font écho tout autant à̀ l’héritage de peintres de la fin du 18e siècle, comme l’Anglais William Blake et l’Allemand Philip Otto Runge, qu’à l’art de certains de ses contemporains comme les Nazaréens allemands ou les Préraphaélites anglais. Il partage avec ceux-ci, en particulier Dante Gabriel Rossetti ou Edward Burne-Jones, le même sens de la beauté́, inspiré de la peinture italienne du 15e siècle. Par ailleurs, Janmot inaugure également certains thèmes qui seront ceux du courant symboliste, à la fin du 19e siècle, avec l’étrangeté́ toute fantastique du Cauchemar ou la vision mystique de L’Échelle d’or.

Trois tableaux très représentatifs

Pétrit d’une grande culture chrétienne, Louis Janmot maitrise certainement la symbolique des oiseaux autrefois très développée dans la peinture religieuse médiévale ou renaissante. Aussi nous pouvons être certains que les nombreux oiseaux présents dans le POÈME DE L’AME ne sont jamais là par hasard.

Ainsi, dans Virginitas, les messages délivrés par la présence animale sont nombreux et complémentaires. Si la panthère placée sous la main de la jeune fille représente la passion domptée, la tourterelle sous la main du jeune garçon nous parle de chasteté, de pureté et de fidélité, une deuxième tourterelle en haut à gauche de la toile nous précise que cette fidélité est conjugale, les couples de tourterelle restant unis à vie. Dans le Cantique des Cantiques le fiancé appelle sa bien-aimée colombe (tourterelle) : « Unique est ma colombe, ma parfaite ».
Enfin, dans certaines situations la colombe est un atribut de la chasteté.
Sur la gauche du tableau, un Martin pêcheur perché sur un buisson symbolise la paix et la prospérité, tandis que le Chardonneret élégant, à la tête tachée de rouge sang annonce la passion du Christ.

Dans le Printemps, la symbolique est très simple :  les nombreux oiseaux, tous chanteurs, louent la saison nouvelle, la jeunesse l’innocence et le renouveau, en vol, perchés mais jamais posés au sol. Les plus sonores, à leur habitude, sont dissimulés dans les buissons : la Fauvette à tête noire et la Grive musicienne sont sans aucun doute les meilleurs chanteurs, pour évoquer ces moments divins que le compositeur et ornithologue Olivier Messiaen qualifiait de Liturgie de Cristal.

Enfin, n’oublions pas la présence des papillons. On sait en effet que la langue grecque n’a qu’un seul et même mot pour désigner le papillon et l’âme humaine : psyché. De même le papillon symbolise la résurrection : le papillon qui sort de sa chrysalide représente l’âme qui abandonne le corps avant de mourir. Dans la Divine Comédie, Dante entend des âmes lui dire que chacune d’elles est un vermisseau né pour former l’angélique papillon.

Dans le tableau, le garçon, à genoux, s’aprète précisément à saisir un papillon.

Avec le Mauvais sentier un seul oiseau se charge de nous transmettre le message : un Hibou perché sur un arbre squelettique. Plus précisément un Grand-duc. La Bible identifie la chouette et le hibou à la malédiction, aux ténèbres et à l’enfer. A cause de cet aveuglement des Juifs qui n’ouvrirent pas leurs yeux à la lumière de l’Évangile, de même que le hibou tient les siens clos devant la lumière du jour, le hibou fut l’un des idéogrammes de l’ignorance volontaire chez les auteurs du moyen-âge. Le hibou prince des ténèbres est le signe des sciences maudites : magie, démonomanie, sorcellerie etc.

Signalons enfin la présence d’une grosse araignée dans la première niche, au-dessus de la Mort, recouvrant les squelettes, emblème de Satan, le perfide entraineur des âmes vers la perte irrémédiable au moyen de sa toile.